Genèse

L'idée d'adapter Vidocq à la télévision vient de Georges Neveux et elle est due en partie au hasard.
En effet, celui-ci, se rendant à Cognacq-Jay pour y vendre un projet télévisé quelconque, se décida au dernier moment pour ce personnage.
Dans sa biographie Un aller, Marcel Bluwal garde un souvenir amusé du projet :
"[Georges Neveux] m'a raconté plus tard qu'il montait voir je ne sais quel directeur de la télévision pour lui proposer un projet, qu'il n'en avait pas et que, dans l'ascenseur qui desservait le 7ème étage de la rue Cognacq-Jay, il s'était demandé :
"Qu'est-ce que je pourrais bien donc faire ?".
Il s'était dit "Pourquoi pas Vidocq?".
Et il avait vendu Vidocq comme ça se passe souvent au cinéma ou à la télévision sur un mot, sur un titre,
ou sur un emballage de qualité.
On lui a répondu : "D'accord, faites nous Vidocq".

Marcel Bluwal
Il m'a appelé et je lui ai répondu que ça m'intéressait de le faire."
"J'avais lu les Mémoires de Vidocq qui m'était apparu comme un vrai truand, un vrai hâbleur
et comme un personnage foncièrement antipathique qui savait magnifiquement faire sa pub.
Et tout ça dans un ensemble de sanie, de sang, de stupre abominable ! tel que j'avais fini par y renoncer. [..]

Je me suis retrouvé devant un Vidocq complètement différent de celui auquel je m'attendais :

du Scaramouche, là où j'attendais un Vidocq terre à terre, glauque, simeonien !
Mais un Scaramouche où restait néanmoins ancrée l'ambivalence bagnard - flic."
Alain Mottet
( Flambart)
Bernard Noël
(Vidocq)

Naturellement comme l'a raconté Georges Neveux avant de mourir, le personnage réel a été légèrement changé :
qui aurait pu s'identifier à une balance ou à un policier parfois très violent ?

Mais l'essence est restée...

"Au fond, Vidocq était un acteur né, un acteur dans la vie : il n'aimait rien tant que de se faire des têtes, devenir un autre...
Dans le petit local qu'il occupait, comme chef de la Sûreté, rue de Jérusalem, il avait ait d'un cagibi une véritable loge d'acteur.
Il s'y maquillait, il s'y déguisait..."

Jacques Seiler
Produite par la Gaumont-Télécip, la première série comporte 13 épisodes de 26 minutes dont la réalisation fut finalement partagée entre Claude Loursais et Marcel Bluwal, ce dernier se chargeant de plus de la distribution.

Il engage ainsi Geneviève Fontanel pour interprétée Annette - amoureuse du héros qui partagera ses aventures, l'aidant à s'évader et finissant par l'épouser dans le Mariage de Vidocq, Jacques Seiler qui incarne déjà Desfossés, Alain Mottet qui est le premier Flambart (et qui avait déjà tourné pour Bluwal) et Bernard Noël.

"La carrière de Bernard Noël avait été assez curieuse.
Sorti du Conservatoire, beau garçon, plein de talent, on lui avait fait jouer tout de suite les grands amoureux du répertoire,
les transis et les autres parce que, comme on dit, il en avait l'emploi...
Et il n'avait fait qu'une demi-carrière.
Et puis un jour, dans Victor de Vitrac, mis en scène par Anouilh, il avait littéralement explosé dans un rôle de démesure comique et tragique tout ensemble, et on avait soudain compris qu'il était fait pour jouer les grands personnages baroques, les Capitaine Fracasse, ceux qui sont puissants, cocasses et pitoyables tout à la fois.
Il accepta d'emblée de jouer Vidocq et de participer à un feuilleton, ce qui ne lui était encore jamais arrivé.
Je suis à ce jour surprise par la profondeur de l'impression qu'il fit sur le public dans le rôle."


Bernard Noël

Diffusée début 1967, cette série narre les aventures d'un Vidocq bagnard, roi de l'évasion, poursuivi par le zélé inspecteur Flambart,
ce dernier fait preuve de ruse et de finesse pour piéger son estimé fugitif.
Le vaste succès que remporte la série incite les créateurs (et leurs producteurs) à mettre en chantier une deuxième série.
Il permet surtout à Georges Neveux d'obtenir des conditions plus intéressantes pour sa création : le passage à des histoires d'une heure !

    "Les 24 mn 30 s hebdomadaires sont insuffisantes pour monter, développer et conclure une histoire.
  C'est la lutte contre la montre !

Que de bonnes choses - et c'est le drame - il faut laisser en route parce que telle scène ne peut excéder 2 mn 10 s ou telle autre 1 mn 15 s."

C'est en plein milieu de la production de la seconde série que Bernard Noël apprend qu'il est atteint d'un cancer...

Il renonce alors à ce personnage populaire contraignant Marcel Bluwal à contacter Claude Brasseur.
Ce dernier, en une nuit, accepte de remplacer Noël au pied levé.

Par amitié, Alain Mottet renonce aussi au personnage de Flambart, laissant à Neveux la possibilité de modifier complètement les relations Vidocq - Flambart. >

Claude Brasseur

Ce qu'il fait.

"J'ai complètement basculé le personnage dans un comique plus affirmé
et j'ai engagé Marc Dudicourt qui lui a conféré de surcroît un côté enfant.
Il venait de chez Planchon et n'avait pas encore beaucoup fait de télévision.

Le rapport entre Brasseur et Dudicourt était très différent du rapport Noël - Mottet,

il ressortissait beaucoup plus à la comédie."

Marc Dudicourt



Vidocq et sa brigade
Pour accroître ce comique de situation, Vidocq est entouré d'une véritable garde rapprochée composée d'anciens bagnards :
Desfossés et l'Acrobate, incarné par Pierre Pernet qui mourrait dans l'épisode Fil de fer de la première série, le marquis de Modène, joué par Alain Mac Moy, rencontré à la cour de la soeur de Napoléon dans le premier épisode la Caisse de fer, et le Docteur ( Walter Buschhoff) spécialiste des prothèses.

Ne reste plus qu'à trouver un adversaire à l'envergure de Vidocq et le tour sera joué.

"C'est Georges Neveux qui a eu l'idée du personnage de la baronne.
Danièle Lebrun était déjà ma femme et Georges Neveux a écrit le rôle pour elle.
Je n'ai même pas eu à choisir, ce qui a libéré ma conscience.
Il avait d'ailleurs écrit les textes de cette deuxième série pour le duo Bernard Noël - Danièle Lebrun qui venaient de jouer ensemble au théâtre Après la pluie à l'Athénée.
Le rôle a beaucoup marqué Danièle.
Elle est toujours la baronne pour les téléspectateurs."

La baronne de Saint-Gely est un escroc de haut-vol, qui croise constamment sur son chemin le policier Vidocq.
Leurs relations débutent (presque) par la fin :


Danièle Lebrun

elle se présente et lui raconte sa vive admiration avant de le faire jeter à l'eau pour qu'il ne vienne plus jamais gêner ses machinations.

Claude Brasseur
Danièle Lebrun

"Neveux avait imaginé un rapport sado-masochiste amoureux incroyable, fantastique entre Vidocq et la baronne qui n'est pas autre chose que le rapport Milady / d'Artagnan.
Avec une notion d'érotisme qui ait qu'à la fin de certains épisodes,
ils couchent ensemble avec les menottes
et quand Vidocq se réveille, la baronne les lui a passées."

Ne reste plus qu'à attendre la diffusion du premier épisode pour voir si le public adhère à cette nouvelle vision de François Vidocq :
Un nouvel acteur, des épisodes en couleurs d'une durée d'une heure au rythme frénétique :

"Tu mets en une heure la matière d'une heure et demie de film et je me débrouille" avait dit Bluwal à son scénariste...
Tout cela pouvait perturber les spectateurs.  
 Mais il n'en fut rien....

Claude & Pierre Brasseur
Tout naturellement, une troisième série est mise en chantier.
"Mais le personnage de Vidocq a changé.
Les gens ne s'en rendent pas compte, mais il a changé.
Ce n'est pas un problème d'écriture.
Le premier jour de tournage de cette nouvelle série, Pierre Brasseur est mort.
Claude en a été transformé.
Il n'a plus jamais été le même."

Vidocq prisonnier

La seconde série couvrait le règne de Napoléon et celle-ci se déroule entre 1815 - les Cent Jours - et 1822.
Les différents changements de régime et les personnages historiques, de Fouché à Louis XVIII,
sont l'occasion pour Georges Neveux de revisiter l'histoire.

"Je raconte des histoires, mais je respecte l'Histoire avec une majuscule :
elle ne cesse d'ailleurs d'être présente en filigrane dans les nouvelles aventures.
On ne peut vraiment créer qu'en trouvant la vraisemblance de l'imaginaire."

Napoléon & Vidocq


la Brigade de la Sûreté
"Comme les deux précédentes, la troisième série fut un impressionnant succès public.  
  Après, on a décidé d'arrêter...
C'était une très grosse entreprise qui demandait beaucoup de moyens.

Le problème des tournages de Vidocq, c'était de ne pas faire du réalisme historique.
Tout en respectant la réalité historique, il fallait prendre ses distances avec elle.  
 Neveux la violait déjà beaucoup !
L'autre problème, c'était la rapidité du tournage.
Ça n'était pas forcené mais je ne voulais rien lâcher sur la qualité du jeu d'acteur,

ni sur la densité des signes qu'il y avait sur l'image.
C'était un investissement énorme de la part de tout le monde."

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